C’était le matin très tôt
Je suivais la vallée
Au loin je voyais les premiers rayons
De l’astre censé me guider
Enflammer le crane du mont
Je restais droit dans mes chaussures
Malgré la fatigue indéniable
Une force m’aidait à survivre
La montagne était surmontable
Je me disais « comment va-t-elle ?
Et je m’accrochais à un bruit
Une louve rodait sur la route
De l’enfer et du paradis
Quand je l’ai rencontré
Elle était encore avec ce type
Un gardien de prison, je crois
Je ne peux me rappeler comment
Nous en étions arrivés là
Nous avions roulé sans rien dire
Au travers des forêts sauvages
Jusqu’à l’endroit où les falaises
Coupent la course en son milieu
Je l’ai entendu murmurer
Sa voix tremblait comme la pluie
« Je dois rentrer mais sans aucuns doutes
Nous nous retrouverons sur la route
De l’enfer et du paradis »
J’avais repris mes marques en France
J’avais presque les pieds sur terre
Je bossais comme journaliste free lance
J’allais vérifier les rumeurs
Un jour où j’allais interviewer un type
Dans je ne sais quelle bourgade
Je l’ai vu sur une affiche de concert
Mon cœur en est tombé malade
Les rues se vidaient comme si tout
Ce que j’avais eu m’était repris
Alors je me suis mis à dériver à nouveau
sur la route
De l’enfer et du paradis
La salle n’était pas très grande
Je me suis assis près du bar
Elle chantait déjà accompagnée
D’un type à la guitare
Je sentais mes membres se réchauffer
Comme le rescapé d’un naufrage
Chaque détail me revenait
De la sueur de son visage
Au moment du rappel elle dit :
« Je vais en chanter une dernière
Une dernière que je dédie
A celui qui a repris la route
De l’enfer et du paradis »
« Bonsoir jeune homme
Je vous offre un verre »
J’ai souri, sa voix tremblait comme
La pluie de la fois dernière
Puis elle reboutonna mon col
Je remarquai dedans ses yeux
Comme une pierre au fond d’un puits
Elle dut voir que j’étais mal à l’aise
Elle m’embrassa dans le cou puis elle dit :
« Viens je vais te présenter quelqu’un »
J’ai pas posé de question, je l’ai suivi
Comme un aveugle sur la route
De l’enfer et du paradis
Nous avons vécu dans une yourte
A la campagne près d’Alicante
Sur les marchés nous vendions des yaourts
Du miel et des fleurs d’amarantes
Le jour ressemblait à la nuit
Et les rêves à la réalité
Et bien que le temps nous ait appris
A faire taire certaines de nos voix
Quelque chose nous rappelait
Un coup de fil de l’infini
Qui nous renvoyait sur la route
De l’enfer et du paradis
Je pense qu’il a fini par mourir
D’épuisement ou bien de froid
Et qu’elle a dû rester là-bas
Dans la confusion des besoins
Je ne sais plus si mon cœur fonctionne
Dans sa cage je dois la tirer de là
Et moi aussi je pourrais bien
Me tirer de ce sac d’embrouilles
Mais j’ai les mains qui tremblent trop
Pour trouver le geste précis
Pour reconnaitre la direction
De l’enfer ou du paradis
J’ai vu le jour une après midi d’automne
Dans un mystère indéchiffrable
J’attends que les cloches sonnent
Pour me rappeler d’où je suis
Le matin s’ouvre comme une boite
Devant la colline légendaire
Je cherche un indice dans les flammes
Un essentiel point de repère
On était tellement proche
Qu’on a fini par s’effacer
Derrière les ombres du mépris
Je me tiens droit au bord de la route
De l’enfer et du paradis