Cordillère

nous avons pris le bus pour joindre Chiclayo
au travers des déserts et des petits rios
tout secs haletant comme pris dans de fatales
rumeurs de paradis aux masques de crotale

et la planète élance ses longs membres gonflés
ses cactées étrangères à la moralité
des fantômes espagnols aux idées dramaturges
qui hantent pour toujours ces étendues de verges

nous sommes entassés derrière ces vitres crades
nous passons au milieu des infimes bourgades
où tout semble baigné dans une plaie orange
où le soleil a excommunié tous les nuages

dans le gris des agaves un type use sa trique
sur un âne esquintant toute sa mécanique
car ici dieu a dit que l’âne est un camion
et au pied de la lettre on prend la religion

on s’arrête pour pisser ou pour changer la roue
un animal crevé durcit sur les cailloux
un gringo va braquer son arme numérique
sur le corps desséché comme une sombre brique

le chauffeur a plaqué des posters du messie
sur le cockpit la mort se faisait du souci
et on repart encore s’abimer les vertèbres
dans son taco voguant dans une paix sans arbres

les oponces juteux qui sont le casse-graine
des chenilles invétérées des hautes plaines
font brunir leurs raquettes bondées d’une eau maudite
l’espoir est un piège où l’on se précipite

plus loin quelques crevards sous un ciel d’expiation
vendent deux trois bricoles au bord de la station
service où sont forcés de faire leurs escales
les bahuts et les cars en manque de pétrole
parfois il y en a un qui monte dans le bus
pour vendre ses potions à de pauvres gugusses
et commence alors sa conférence improbable
il montre des photos de tumeurs incurables
et parle du ginseng la fleur miraculeuse
qui vous préserve des suspicions cancéreuses
la plupart des mémés ont bien sur la pétoche
et lui sortent les rares billets de leur poche
il descend au prochain Texaco presque heureux

et nos vies sont laissées entre les mains de dieu

Publié par tom samel

dans la masse, un lupanar aléatoire pour y déterrer des rengaines, y balancer des mots qui michetonnent ou qui se reboutonnent, pour être visible dans l’ultra violé du net, dans l’arrière boutique du cyber immonde

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