Au pied de la colline, la sainte ville vrombit, crépite et se détériore, soulée par la nuit grave et le ciel métallique. Un manoir hallucinant a poussé sur son flanc. Il s’enflamme et se déshabille, tenu par les haubans de la lune excentrique. C’est la fleur du couchant recrachée dans la jungle. Et c’est là que le Père a trouvé son refuge.
Les colonnes de la terrasse pleuvent vers la voûte de nos pensées impies. Mais ce n’est plus très sérieux. Le mobilier aveugle se blottit dans les angles tranchants. Les destins sont partagés entre l’or et le bronze. Le jardin s’offre à l’homme envahi d’occident, comme un incendie de musée. Et les hibiscus pâles rompent avec le parfum de la ménagerie. Car il aime les êtres innocents. Dans le vaste univers qui s’emplit et se charge de visqueuse fraicheur, il fait bon se plier, absorbé par les ombres, les statues indigentes, on se vide des saisons, de la perplexité, des soupçons de lumière. Et lui aussi sent bon et se sent bien vidé.
Autour de son hamac qui sourit bêtement, sous la vibration saine, réprimée de l’ivresse, les mouches pieuses s’égayent et se frayent un chemin de gratitude et de respect à travers l’eau bénite. Et ses pieds fermentés, élargis et comiques, tremblotent compulsivement, pris d’un élan divin. Car bientôt l’indigène saura la vérité.
Il dort, ventre tendu d’encens purs et de tripes. Sur le coin de la bouche, une perle s’accroche. Comme il bave. Il s’écoule de son rêve une image, une douleur de pauvre, une morve de môme. Et on pense à Dieu qui fit l’océan plein.
À présent la maison se satisfait de dominer la ville, la lune complaisante empoisonne le ciel. La colline comme une bombe a gonflé vers minuit. Les anges de l’enfance portent innocemment leur tragique auréole qui sera arrachée à la misère.
Et les mouches se taisent en pondant sur la plaie.
Et le monde s’écroule sous de tristes tropiques.
16 sept. 2010